Pour fêter la sortie du premier volume de City Hall, nous nous sommes entretenus avec Rémi Guérin et Guillaume Lapeyre, les créateurs de ce manga 100% frenchie.
Zero Yen : Une petite présentation des auteurs pour les noobs.
R : Rémi Guérin, je suis le scénariste de City Hall, cela fait maintenant 6 ans que j’écris des BD et c’est mon tout premier manga !
G : Bonjour à toutes et à tous, je suis Guillaume Lapeyre, dessinateur de bande dessinée. Je suis passé pro en 2002 avec ma toute première série «Les chroniques de Magon» aux éditions Delcourt sur une histoire de Nicolas Jarry et avec les couleurs de mon épouse Elsa Brants. Nous avons enchaîné ensemble sur «Ether», toujours chez le même éditeur avant de rencontrer mon camarade et ami, Rémi Guérin, d’abord sur «Explorers» chez Soleil puis maintenant sur «City Hall» chez Ankama !
ZY : Pourquoi et comment êtes-vous devenus dessinateur et scénariste de BD ?
R : Par passion, j’ai grandi dans un univers BD, mon père adorait ça et j’ai appris à lire sur des albums de Franquin, Goscinny, Job, Lecureux, Hergé et Lee Falk. Un soir, alors que je racontais des histoires horribles dans l’espoir de faire peur à Eric Corbeyran, l’un de mes amis scénaristes, il m’a proposé d’en faire une BD et c’est comme ça que l’aventure a débuté, avec «Les véritables légendes urbaines» !
G : Je crois que ma passion pour ce métier me vient en grande partie de l’attrait pour les mangas que je lisais quand j’étais adolescent et les animés qui passaient à la télé. Je ne voulais pas rater un seul épisode de «Dragon Ball» et j’économisais le moindre centime pour pouvoir m’acheter les numéros d’«Akira». J’ai passé de nombreux week-ends à dessiner des histoires avec les personnages de Toriyama. J’ai appris petit à petit en étant curieux et en me laissant imprégner par les auteurs que j’adorais. Ce n’est qu’un peu plus tard alors que l’envie de devenir professionnel grandissait que je me suis intéressé aux comics et aux bandes dessinées franco-belge. Enfin, les jeux vidéo sont également une grande source d’inspiration. On ressent l’atmosphère de «Resident Evil» dans mes premiers albums et les créatures rencontrées dans «Explorers» font référence au bestiaire des «Final Fantasy» ! Je voulais donc faire pareil que tous les grands auteurs, raconter une histoire avec les meilleurs dessins et surtout divertir mais dans le bon sens du terme. Nous souhaitons avant tout vous faire passer un bon moment.
ZY : Sur quoi avez-vous travaillé avant de commencer «City Hall» ?
R : «Les légendes urbaines», «Kookaburra Universe», «Explorers», «Pinkerton». Des genres très différents quand j’y pense puisqu’il y a, pêle-mêle, un thriller, de la science-fiction, de l’aventure-fantastique et un western. J’aime diversifier mes univers, ça rend l’écriture passionnante !
G : «Les chroniques de Magon», «Ether», «les contes du Korrigan» et «Les contes de Brocéliande», «L’essayeur des anneaux», «Le grimoire du petit peuple» (collectifs) et «Explorers».
ZY : «Explorers», votre précédente collaboration, possède quelques thèmes en commun avec «City Hall». D’où vous vient cette fascination pour l’Angleterre victorienne ?
R : Bonne question. Tout d’abord, il faut reconnaître que cette période, tout comme ce lieu, ont une certaine classe. Ensuite, c’est l’époque contemporaine de Conan Doyle et de Sherlock Holmes, personnages que l’on retrouve dans «City Hall» pour l’un et dans «Explorers» pour l’autre. Et ce choix est lié au titre car, aussi curieux que cela puisse paraître, et avant même d’avoir le plus petit bout d’histoire, nous avions le titre depuis des années. C’est en regardant un reportage sur la nouvelle mairie de Londres, City Hall, que j’ai eu envie de faire une série qui porterait ce nom. Alors, en hommage à ce bâtiment si particulier qui borde la Tamise, nous avons trouvé logique que l’action de notre série démarre en Angleterre.
ZY : Pour quelle raison êtes-vous passé à un format entièrement manga ?
R : Pour la place ! Enfin, j’allais pouvoir m’exprimer, arrêter de tout compacter et prendre le temps de développer ce qui devait l’être, personnages comme scénario. Et puis Guillaume en rêvait et il faut reconnaître que son talent immense m’a donné raison de le suivre. C’était une vraie bonne idée. Ensuite, il a fallu trouver un éditeur, pas une mince affaire, et nous avons déniché la perle rare, Ankama !
G : C’était mon rêve ! C’était ce que je voulais faire depuis le tout début. Nous avons tenté plusieurs fois avec Rémi de proposer de faire un manga de création en France. Mais les éditeurs étaient invariablement frileux, contrairement à Ankama. Nous sommes ravis de pouvoir travailler avec des personnes qui nous font écho, qui comprennent cette narration, et qui nous conseillent sur la meilleure manière de l’utiliser.
ZY : Quelles sont vos sources d’inspiration majeures et vos mangas préférés ? (le graphisme de l’œuvre rappellant un peu les œuvres de Takeshi Obata)
R : Tsugumi Ôba pour le scénario : ce type est juste fabuleux. «Death Note» a changé ma vision de l’écriture et ma façon de raconter des histoires. Quel choc fût cette série bavarde et pourtant passionnante… J’ai adoré ! Et Yumi Hotta, la scénariste de «Hikaru No Go» ! Guillaume m’avait prêté cette série pour que je la lise, et je l’ai laissée traîner longtemps, certain qu’un manga sur le jeu de Go serait ennuyeux au possible. Après hésitation, je l’ai quand même lu et là, j’ai pris une claque phénoménale, j’étais captivé au point de n’en pas dormir pour lire la suite. Scénariste de manga, c’est un job de malade ! Il fallait que j’essaie !
G : J’ai toujours aimé les mangas pour le dessin comme pour le côté feuilleton des séries. Les mangakas sont redoutables en réussissant à nous tenir en haleine à chaque fin d’épisode ! Je suis pas mal de séries dont j’achète les volumes au fur et à mesure de leur sortie. Je dévore «One piece», «Naruto», «Bleach», «Fairy tail», «Eyeshield 21» et bien évidemment, TOUTES les séries dessinées par Obata, en particulier «Hikaru No Go», «Death Note» et «Bakuman». Je suis juste ultra-fan de ses dessins et j’ai été marqué au fer rouge par sa façon de faire les personnages. J’ai même l’honneur d’avoir sa dédicace que j’ai disposée juste à côté de ma table à dessin, à portée de vue ! (sourire)
ZY : Sur la couverture du deuxième tome, on peut apercevoir un personnage qui manie des cartes. Est-ce un hommage à Gambit (des X-Men) ou bien à la série des films hongkongais «God of Gamblers» ?
R : Scénaristiquement non, ni l’un ni l’autre mais le choix graphique est celui de Guillaume, je le laisse donc répondre à cette question. Même si, pour moi, la similitude est plus à faire avec Mandrake… Cela dit, c’est vrai que cette position rappelle assez Gambit !
G : Ah oui, pourquoi pas… mais j’avoue que je n’y ai pas pensé du tout. On discute beaucoup avec Rémi, des heures au téléphone, on fixe les grandes lignes, les événements et les cliffhangers de la série, les moments où l’on va tenter de surprendre les lecteurs. Il y a donc dans le deuxième tome un nouveau personnage, le plus grand illusionniste du monde, contemporain et ami d’Arthur Conan Doyle. Il était évident pour nous qu’il possède un paquet de cartes numériques pour effectuer des tours de close-up (magie rapprochée).
ZY : La rédaction a adoré le début de l’aventure. De combien de volumes sera composée la série ? Connaissez-vous la date de sortie du deuxième opus ? Peut-on avoir quelques infos en exclu sur la suite ?
R : Merci, nous sommes ravis que cela vous ait plu, on vous promet d’énormes surprises pour la suite et on vous garantit que vous ne regretterez pas d’avoir jeté un œil à «City Hall» ! La série en elle-même fera peut-être beaucoup de tomes, le plus possible, mais ce sera le public qui en décidera. En attendant, nous ne voulions pas démarrer une histoire sans garantir à nos lecteurs la possibilité de lire une vraie fin, c’est pourquoi l’enquête en cours se terminera au troisième tome. Et pour les révélations… en voici quelques-unes mais chut, c’est un secret ! Le nom du magicien dans le numéro 2, prévu pour l’automne de cette année, c’est Harry Houdini; Black Fowl verra grossir ses rangs de deux nouveaux membres très dangereux et à l’issue de la troisième et dernière partie, on connaîtra enfin son identité ! Mais peut-être la trouverez-vous avant… Il suffit de chercher !
ZY : Dans le manga, les deux auteurs publient leurs œuvres au format numérique, dû à l’absence du papier dans leur univers, que pensez-vous de ce nouveau support ?
R : Intéressant, c’est un format qui comptera dans l’avenir, les nouvelles générations y seront de plus en plus sensibles et c’est un cap que nous devrons franchir. Il y aura toujours des livres « papier », cela ne fait aucun doute, mais j’imagine un avenir mixte où les deux types de lecture pourront cohabiter. Plus économique, plus écologique, moins encombrant, des atouts évidents qui font de ce format non pas un concurrent mais un complément de ce qui existe. Le monde évolue, la technologie aussi, et il en sera de même pour le livre. Mon point de vue de scénariste, c’est que cela ouvre des perspectives d’interactivités fabuleuses, à suivre !
G : Nous avons déjà eu le premier tome d’«Explorers» au format numérique et nous nous sommes rendus compte que ceux qui l’avaient acheté étaient soit des Canadiens, soit des expatriés français à l’étranger. Le numérique est une bonne chose car il est possible de franchir toutes les frontières et de faire découvrir à moindre prix la bande dessinée dans des pays où le livre papier coûterait cher. Par exemple au Canada, un album cartonné en couleurs coûte aux alentours de 25 dollars canadiens, soit 19 euros. En France, les mêmes albums sont à 13,50 euros.
ZY : Leur monde étant dépourvu de papier, comment font nos héros quand ils vont aux toilettes ? Utilisent-ils les fameux jets d’eau automatiques à la japonaise ?
R : Ils utilisent les trois coquillages ! Je vois d’ici les sourires en coin à cause de la référence « has-been » que nous venons de faire. C’est vrai quoi, «Demolition Man», c’était pas vraiment le film du siècle ! Peut-être… Mais eux, au moins, ils savent se servir des trois coquillages. Et vous ?
ZY : Des conseils pour les futurs artistes en herbe ?
R : Pour ceux qui souhaitent se lancer dans l’écriture de scénarii, il faut qu’ils gardent l’esprit ouvert, travaillent leur imagination en créant et en écrivant chaque jour, même pour ne rien dire. Et surtout, lisez ! Regardez ! Écoutez ! Jouez ! Des livres, des journaux, des jeux vidéo, des films, des séries télé, de la musique, des sorties entre amis, des gens dans la rue, des vieux sur un banc… Ouvrez-vous au monde, n’ayez aucune certitude, tendez l’oreille et ne gardez que le meilleur, c’est le secret pour créer des histoires !
G : Il faut beaucoup dessiner, le plus souvent et le plus régulièrement possible, lire pas mal de BD d’où qu’elles viennent, regarder plein de films, jouer à tous les jeux vidéo qui vous passeront dans les mains. Une fois armé visuellement, et formé à la façon de raconter une histoire, vous pourrez vous concentrer uniquement sur la technique de papier, parce que ce n’est pas un don comme le disent certains, c’est juste de la technique avec de la perspective et des ovales et des rectangles pour les personnages. Une fois cela plus ou moins maîtrisé, avec le sourire aux lèvres, vous foncerez tête baissée vers votre objectif ultime : donner du plaisir aux lecteurs, les faire rire, les surprendre, les émouvoir, les terrifier, les divertir. C’est ce qu’on essaie de faire chaque jour.
ZY : Un dernier petit message à vos fans avant de conclure cette interview ?
R : Oui, à tout de suite sur le stand d’Ankama : vous ne pourrez pas le rater ! Nous serons sur place, prêts à vous rencontrer et à discuter avec vous, des dédicaces, du fun, du rire et du mystère ! Venez nombreux, nous ne sommes là que pour vous !
█ Interview réalisée par
Xavier Caltagirone et
Sébastien Pastor
2 commentaires
Dans un monde totalement imaginaire on retrouve des super personnages,vraiment apparentières dans le genre ce genre de manga.J’adore l’histoire!
J’ai decidé de me déguiser en personnage de manga pour halloween.Je vous adoreeee.<3
Camille
J’ai découvert ce manga en lisant l’interview dans votre journal, merci beaucoup à vous, j’adore !