Lorsque je me retourne sur mon passé de joueur, impossible de ne pas citer le premier épisode de cette (trop longue) saga comme l’un des titres m’ayant le plus marqué dans ma vie. Quinze ans ! Bon sang, ce titre a déjà 15 ans ! Et contrairement aux zombies que l’on y croise, il a toujours toutes ses dents.
Manger Bio
Mes premières parties sur ce titre furent inoubliables. Eté 1996, la version européenne du titre n’existait pas encore et je jouais sur la version japonaise qui se nommait Bio Hazard. Pour l’anecdote, le réalisateur du jeu, Shinji Mikami trouve d’ailleurs le titre occidental particulièrement idiot. Il faut reconnaître qu’à part pour ce premier épisode, l’appellation Resident Evil ne colle pas vraiment aux épisodes qui suivront. Pour faire fonctionner le jeu sur ma console européenne, il m’avait fallu utiliser la technique de « l’allumette », avec le capot qui devait rester ouvert afin de lancer de manière peu orthodoxe les jeux étrangers. Les vieux de la vieille s’en souviennent probablement encore. Ne possédant pas de câble RGB mais simplement le câble composite tout pourri livré par Sony en quête d’économies, le jeu passait en noir et blanc. Ces contraintes furent loin de freiner mon enthousiasme et je dois même reconnaître que le noir et blanc donnait au jeu un aspect encore plus impressionnant et dérangeant. On se serait cru dans « La nuit des mort-vivants » de George Romero. Lorsque j’acquérais plus tard la version européenne et que je pus enfin y découvrir les couleurs, j’en étais presque déçu tant l’ambiance semblait y perdre au change.
Mais revenons à nos moutons ou plutôt à nos zombies en noir et blanc. Il faut savoir qu’à l’époque le zombie n’était pas à la mode comme aujourd’hui. Banalisé à outrance, il est tellement mis à toutes les sauces que le zombie ne ferait même plus peur à un gamin de 5 ans. Mais à cette époque… le mort-vivant se faisait rare, ce qui le rendait bien plus terrifiant. Personnellement, le zombie était l’un des rares trucs qui me faisait vraiment flipper. Le genre de truc qui m’empêchait même de dormir si j’y pensais un peu trop la nuit. Carrément.
Remis dans ce contexte, Resident Evil… pardon, Bio Hazard, était bien plus qu’un simple jeu vidéo. C’était une expérience viscérale, traumatisante… une épreuve de survie ! S’il donna ses lettres de noblesse au genre du « Survival », il était loin d’être le premier du genre. La saga Alone in the Dark, et le premier en particulier, était passée par là depuis bien longtemps. Pourtant, le jeu de Capcom ne s’est peut-être pas vraiment inspiré du célèbre jeu français mais plutôt d’un autre titre japonais, bien moins réputé, nommé Dr Hauzer. Ce dernier est sorti de manière confidentielle sur la console 3DO et uniquement en version japonaise. Ce dernier s’étant clairement inspiré d’Alone in the Dark, que cela soit direct ou pas, Bio Hazard devait beaucoup au titre français d’Infogrammes.
Et premier ou pas, ça n’enlevait en rien aux innombrables qualités du titre. Et il faut savoir qu’à l’époque, Shinji Mikami et son équipe avaient pris un véritable risque avec ce titre qui paraissait tout sauf vendeur. Encore une fois, on est loin de notre époque où le zombie pourrait même apparaitre sur vos boites de céréales… Bien que Capcom n’y croyait pas, Shinji Mikami et son équipe ont peaufiné leur « petit » jeu dans leur coin. Lorsque le jeu sorti, il fit un véritable carton et c’était vraiment mérité ! Les joueurs et la presse furent unanimes : Bio Hazard était un chef-d’oeuvre comme on en voyait trop peu. Certains se souviennent peut-être de la note hallucinante qu’il reçu dans le magazine Joypad : 100% ! La note parfaite pour un jeu qui ne l’était sans doute pas mais qui réunissait toutes les envies du joueur de cette époque. Vu sous cet angle, la note était loin d’être volée. A ce jour, c’est encore l’épisode le plus vendu de toute la franchise avec presque six millions et demi de ventes.
Promenons-nous dans les bois…
Mais de quoi parlait vraiment Bio Hazard ? Une équipe de gros bras se retrouvait perdue au milieu de la forêt et n’avait pas eu d’autres choix que de se refugier dans un grand manoir pour échapper à d’étranges chiens mutants qui pullulaient dans le coin. Sauf que la maison n’était pas mieux fréquentée. Bien vite, l’équipe était dispersée et le but était tout simplement de survivre à cet enfer.
Bien entendu, on a connu histoire plus originale mais la force du titre était également de jouer sur les clichés bien connus des amateurs de films d’horreur. A commencer par ses personnages qui comprenaient notamment Barry Burton, le gros costaud au grand coeur ou encore Albert Wesker, le ténébreux beau gosse qui ne se baladait jamais sans ses lunettes de soleil, même en pleine nuit !
Le jeu commençait sur une introduction filmée avec des acteurs en chair et en os. Portée par des effets spéciaux dignes des films d’Ed Wood et des acteurs aussi brillants qu’un Michael Youn en roue libre, le jeu ne commençait peut-être pas sur la meilleure des bases. Kitch à souhait, cette intro réservait cela dit quelques moments gores comme on n’en avait jamais vu jusqu’à présent dans le jeu vidéo. Je pense par exemple au moment où Joseph, un membre des Stars, soulève un révolver avec la main coupée qui va avec. Bon, oubliez le cri juste après, histoire de rester sur une bonne impression ! Ce côté kitch était complété par un doublage anglais tout bonnement catastrophique (comme souvent sur les jeux japonais). Mais malgré son jeu surjoué et ses dialogues ridicules, rien ne parvenait à désamorcer la tension qui régnait dans le manoir. Cela dit, impossible d’oublier les cultissimes « No ! Don’t open that door ! » ou encore « Watch out ! It’s a monster ! ».
Fright Night
Le joueur avait le choix entre deux personnages : Chris et Jill. Cela représentait habillement le mode Hard et Easy du jeu. Ainsi, les énigmes étaient plus corsées avec Chris et l’inventaire plus petit. Le choix du joueur nous permettait également d’assister à quelques variantes dans le scénario.
Mais qu’est-ce qui nous faisait si peur dans Bio Hazard ? Contrairement aux derniers épisodes, c’était tout sauf un jeu d’action. Ainsi, les balles étaient limitées, surtout avec Chris, et il n’était pas rare de devoir s’enfuir plutôt que d’affronter ses adversaires. Jeu de lâche ? Mais non : jeu de survie. Le joueur avait vraiment l’impression que la mort pouvait le surprendre à tout moment. Porté par des musiques très réussies, les moments de calme étaient peut-être les pires de tous. Qui ne se souvient pas du fameux couloir avec les chiens surgissant des fenêtres ? Celui qui dit ne pas avoir sursauté est le pire des menteurs ! Le plus terrifiant pourtant était en fait que souvent, il n’y avait rien ! Pour mieux vous surprendre les enfants !
Le système de sauvegarde était extrêmement intéressant. Plutôt que de mettre des checkpoints à tous les coins du jeu, ce qui aurait désamorcé tout stress possible, c’était au joueur de gérer ses sauvegardes. Celles-ci n’étaient permises que sur des machines à écrire dispersées aux quatre coins du manoir. Mais encore fallait-il trouver des rubans encreurs pour pouvoir les utiliser. Et ces derniers étaient dispersés en nombre limité. Ce système de sauvegarde semble impossible à proposer aux joueurs d’aujourd’hui, et encore moins à ces feignasses de joueurs PC habitués à utiliser les sauvegardes instantanées qui n’ont que pour intérêt de briser toute tension dans les jeux actuels…
L’action étant finalement limitée, qu’y-avait-il de si intéressant dans ce Bio Hazard ? De la recherche et des énigmes. Beaucoup d’énigmes. On était loin de la difficulté des « point & click » de l’époque, les énigmes se contentant souvent de nous laisser trouver des clés afin d’ouvrir de nouvelles portes. Mais le tout était très bien ficelé et certaines énigmes tiraient leur épingle du jeu. Il fallait parfois se creuser la tête pour avancer et une parfaite gestion de son inventaire était nécessaire pour s’éviter de nombreux aller-retour. Car contrairement à bon nombre de jeux actuels ou d’antan, notre personnage ne pouvait pas porter une infinité d’objets sur lui. Le joueur disposait de 6 emplacements avec Chris et de 8 avec Jill. Bien qu’il pouvait sembler étrange qu’une clé prenne autant de place qu’un fusil à pompe, le système était plutôt intéressant à gérer. On ne pouvait poser les objets où l’on voulait, le seul moyen de s’en débarrasser était de passer par des coffres dissimulés dans certaine pièces de la maison. Bien que cela soit totalement irréaliste, tous les coffres étaient reliés entre eux. Ainsi, si vous posiez vos munitions dans le coffre du premier étage, vous pouviez les retrouver plus tard dans le coffre du second étage. C’était bien plus pratique et moins lourd à gérer. Cette gestion de l’inventaire faisait donc parti intégrante du jeu. Au joueur de se demander s’il fallait prendre son flingue et son fusil sans munitions supplémentaires ou juste son fusil avec toutes ses cartouches ? Fallait-il garder ses meilleures munitions pour la suite ou les utiliser dès à présent ? Combien de soin prendre avec soi ? Vraiment, la gestion faisait parti du jeu à part entière et n’était pas sans rappeler la célèbre question « si vous deviez emmenez quelque chose sur une île déserte, ce serait quoi » ?
Bien que le jeu puisse se boucler en quelques heures, la durée du jeu est énorme et il n’est pas si évident d’en voir le bout. De plus, il propose plusieurs fins plus ou moins heureuses et qui dépendent des actions du joueur tout au long de l’aventure. Il faudra probablement plus d’une partie pour découvrir la meilleure de toutes… Le jeu propose également quelques bonus à l’issu de l’aventure : en finissant le jeu en moins de 5 heures, on obtient une clé nous donnant accès à un costume différent pour notre personnage. Et si c’est en moins de 3, on obtient même un bazooka avec munition illimités ! Si l’intérêt du jeu baisse largement avec une telle option, il faut le prendre comme une récompense fort sympathique qui permettra au joueur de se défouler un peu.
Il y en aura pour tout le monde
La version la plus connue du jeu est bien évidemment celle sur Playstation qui eut l’honneur de connaître ce titre en premier. Mais ce fut loin d’être la seule puisque le jeu sorti également sur PC mais aussi sur Sega Saturn dans une version moins belle mais comprenant quelques bonus intéressants. La version occidentale du titre sur Playstation avait été censurée : sang vert, pas de tête coupée lors de la première rencontre avec un zombie, pas de main coupée dans l’intro et, comble de l’horreur il est vrai, pas de Chris en train de fumer une cigarette durant l’introduction ! La morale est sauve. Mais un an plus tard, ce problème fut corrigé avec Resident Evil Director’s cut qui proposa de surcroit une compatibilité avec la manette Dualshock et modifia également quelques passages du jeu. Cette version était accompagnée de la démo du très attendu Resident Evil 2, ce qui pouvait l’assurer de remporter un beau succès…
Plus proche de nous, il existe également une version sur DS nommée Resident Evil : Deadly Silence, sortie en 2006, qui propose l’aventure originale mais également une variante avec de nouvelles énigmes se jouant au stylet. Sortie tardivement alors que la mode Resident Evil était quelque peu retombée, cette version est passée inaperçue. Il faut dire que le public familial de la DS ne correspondait peut-être pas au genre. Et cela malgré le retour d’une certaine censure sur la version avec le sang vert et, bien évidemment, la disparition de la vidéo du vilain Chris en train de fumer. La tête décapitée, par contre, est restée présente… Peut-être que si elle avait eu une clope au bec… ?
Mais la version ultime du titre fut réalisée en 2002 sur la Gamecube de Nintendo. Véritable remake, loin de se contenter d’un simple portage, le jeu est refait de A à Z avec une réalisation magnifique et qui fait toujours son petit effet aujourd’hui. De nombreuses énigmes et possibilités ont été rajoutées afin de rendre le titre plus long et plus moderne. Ainsi, il faudra par exemple brûler les cadavres des zombies si on ne veut pas les voir ressusciter par la suite. On dispose aussi de nouvelles armes de contact afin de se dégager d’un zombie un peu trop collant. Tout un segment supplémentaire a également été rajouté au scénario. Un pur bonheur pour les fans de la première heure et pour les autres. Ce splendide remake est resté une exclusivité chez Nintendo et n’a connu qu’un seul et unique portage sur la console Wii en 2009. Malheureusement, comme pour le portage DS, le jeu n’a pas connu un grand succès, cet épisode étant désormais trop « mou » pour les joueurs modernes friands d’action bourrine. Il faut également dire que le portage était d’une fainéantise rare et ne rajoutait rien de plus que le contrôle à la wiimote et au nunchuck mais ne corrigeant pas les quelques saccades durant les changements de plan des diverses vidéo et ne rajoutant pas non plus un 16/9 qui aurait été de rigueur.
Les premiers seront les derniers… ou pas ?
Bio Hazard ou Resident Evil, cet épisode fondateur, ne fut pas seulement le premier, il fut également le meilleur. Bien que ses suites aient souvent fait preuve de qualités indéniables, on ne peut que regretter que l’action ait largement pris le dessus sur la peur. Et ceci, dès le second épisode. En réalité seul Resident Evil : Code Veronica (2000), su retrouver la formule magique initiale et proposa un jeu à la hauteur de nos espérances. Les fans le considèrent même comme le meilleur de tous, à égalité avec le remake du premier. Il est à noter que c’est dans Code Veronica que Chris Redfield fit son comeback pour la première fois. Ce fut malheureusement le dernier coup d’éclat de la franchise. Et bien que Resident Evil 4 (2004) ait été un jeu de qualité à l’époque de sa sortie, il n’avait plus rien d’un Resident Evil. Mais le pire était à venir avec un Resident Evil 5 (2009), complètement à la rue, et de nombreux épisodes spin-off qui n’avaient de Resident Evil que le nom. Mais Capcom a su prouver avec Street Fighter IV que les comeback gagnants étaient possible. Tout espoir est donc permis.
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